sic! 2003 Ausgabe 10
MICHEL CHAVANNE*

Séminaire organisé par l'Institut Fédéral de la propriété Intellectuelle et LES-CH

En date du 15 mai 2003, s'est tenu à Genève un séminaire sur les «nouveautés en droit des marques». Ce séminaire, organisé conjointement par le LES-CH et l'Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI), a vu la participation de plus de 50 personnes.
Le premier exposé de la journée, présenté par Eric Meier, chef de la division des marques et membre de la Direction de l'IPI, était consacré à la jurisprudence communautaire en matière de motifs absolus d'exclusion et ses conséquences pour la pratique suisse. La jurisprudence communautaire, qu'il s'agisse d'arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) rendus à titre préjudiciel ou sur pourvoi, ou d'arrêts du Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPI CE), prend de l'ampleur et va sans aucun doute contribuer à poser des jalons importants pour l'harmonisation internationale des critères en matière d'examen des motifs absolus d'exclusion. Certes, comme l'a rappelé E. Meier, ces décisions ne lient pas formellement l'IPI ou les tribunaux suisses. Il n'en demeure pas moins qu'elles ont valeur d'indice pour les autorités suisses et qu'elles influencent le développement du droit international des marques. E. Meier s'est étendu sur la présentation des principes généraux de la jurisprudence communautaire et a comparé certaines décisions communautaires avec la pratique suisse (marques de couleur «abstraites», marques tridimensionnelles, désignations descriptives et non distinctives). Finalement, E. Meier a cité un certain nombre d'affaires pendantes devant la CJCE (marques verbales, marques sonores, slogans, marques tridimensionnelles) et le TPI CE qui permettront de donner des réponses à certaines questions encore ouvertes.
Philippe Gilliéron, docteur en droit, avocat, chargé de cours à l'Université de Neuchâtel et collaborateur scientifique au CEDIDAC s'est lui penché, au cours du deuxième exposé, sur la problématique du risque de confusion et le principe de spécialité. Après avoir développé les notions de risque de confusion direct et indirect, Ph. Gilliéron a abordé, avec une appréciation très critique, trois circonstances que la jurisprudence prend régulièrement en compte dans le cadre de l'examen du risque de confusion: la force distinctive du signe, l'appréciation du risque de confusion lui-même et la similitude des prestations en cause. En ce qui concerne la force de distinction, Ph. Gilliéron a relevé qu'à ses yeux rien ne justifie qu'un signe faible qui s'impose dans le commerce soit immédiatement mis au bénéfice d'une protection plus étendue qu'un signe ordinaire, ni qu'un signe imaginatif se voit conférer un champ de protection étendu dès son enregistrement (voir à ce propos ATF 122 II 382, JdT 1997 I 231 c.2a, «Kamillosan»). Après avoir traité de manière critique la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle en ce qui concerne l'appréciation du risque de confusion, Ph. Gilliéron a remis en question la notion du principe de spécialité en se demandant si le seul critère pertinent ne devrait pas être celui du risque de confusion. Le troisième exposé du séminaire, présenté par Ralph Schlosser, docteur en droit, LL.M., avocat à Lausanne, avait pour objet la thème suivant: «Mise en ouvre de la protection: dommages-intérêts, mesures d'interdiction et autres sanctions». S'appuyant sur la doctrine la plus récente et abordant ce thème sous l'angle du praticien, R. Schlosser a traité tout d'abord de l'action en nullité et l'action en cession de la marque. Ensuite, il a abordé la question des actions en cessation ou en interdiction, en faisant une distinction entre le danger de première violation et le danger de réitération. Une bonne partie de son exposé a ensuite été consacrée aux actions réparatrices et aux conditions spécifiques à remplir pour les actions en dommages-intérêts, en remise de gain et en tort moral (art. 52 al. 2 LPM qui renvoie aux actions du Code des Obligations). R. Schlosser a ensuite examiné, au regard de la jurisprudence et de la doctrine, les conditions à remplir en vue d'obtenir des mesures provisionnelles en application de l'art. 59 LPM. Dans ce cadre, une attention particulière a été portée à l'urgence. En effet, la jurisprudence n'a pas toujours été cohérente dans l'application de ce critère: si certains tribunaux se montrent relativement sévères avec le requérant, le Tribunal fédéral se montre plus large (seul le critère de l'urgence relative peut être retenu pour juger de la tardivité d'une requête). Finalement, R. Schlosser a abordé les conditions d'une condamnation pénale au regard de l'art. 61 LPM.
En fin de journée, une table ronde a réuni Marie Paule Rizo, juriste principale à l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, Paul Henri Pittet, avocat, et Ivan Cherpillod, Dr en droit, avocat, professeur à l'Université de Lausanne. M. P. Rizo a présenté les derniers développements du système de Madrid et les conséquences pratiques de son élargissement (voir notamment les éventuelles adhésions au Protocole des Etats-Unis et de l'OHMI). Le système se développe. Il devient aussi plus complexe, car il regroupe des pays qui ont des pratiques, des critères d'examen matériel et formel très différents. Afin d'éviter des refus provisoires en cas de demandes d'extension territoriale, des moyens sont à disposition: encore faut-il les connaître! M. P. Rizo a traité de l'adaptation des listes des produits et services aux parties contractantes, des disclaimers (règle 9.4)b)v) du Règlement d'exécution commun), de la traduction de la marque exigée par certains pays, de la déclaration d'intention d'utiliser la marque (DIU) signée par le déposant (règle 7.2) du Règlement d'exécution commun) et de l'indication d'une 2ème langue (pour l'OHMI, en cas d'adhésion).
P. H. Pittet s'est penché sur la question des marques individuelles et des indications de provenance et des derniers développements de la jurisprudence. Tant le Tribunal fédéral que la Commission fédérale de recours en matière de propriété intellectuelle ont en effet eu le loisir de se prononcer sur cette question ces derniers mois. Tout en examinant ces différentes décisions sous un angle critique, P. H. Pittet y voit des éléments réjouissants: l'ensemble de ces décisions permet de dégager des principes généraux d'application qui devraient assurer davantage de prévisibilité aussi bien dans le cadre de l'examen des demandes d'enregistrements que celui des recours auprès des tribunaux suisses.
Lors de la dernière intervention de la journée, I. Cherpillod a commenté une décision du Tribunal fédéral tombée deux jours auparavant (4C.343/2002 - Puls Media AG vs. SRG), décision qui a abordé la relation entre la loi fédérale sur la concurrence déloyale (LCD) et la loi fédérale sur la protection des marques et des indications de provenance (LPM). Sous l'angle de la LPM, la priorité entre deux marques se juge désormais d'après le premier dépôt (tandis que l'ancienne loi sur les marques de fabrique se fondait en principe sur le premier usage); par contre, en application de la LCD, la priorité découle du premier usage. Ainsi, l'entrée en vigueur de la LPM a posé la question de savoir si le premier usager d'un signe prêtant à confusion avec une marque au bénéfice de droits prioritaires selon la LPM peut invoquer la LCD à l'encontre de l'usage de cette marque. Une partie de la doctrine estime en pareil cas qu'il ne serait pas cohérent de permettre au premier usager du signe d'en interdire l'utilisation au premier déposant, d'autant que les art. 14 et 78 LPM ont déjà tenu compte de la situation du premier usager. Un autre courant doctrinal considère en revanche que la LCD ayant une fonction distincte de la LPM, le premier usager du signe peut l'invoquer même à l'encontre de celui qui est au bénéfice de droits prioritaires selon la LPM. Le Tribunal fédéral a pris position sur cette controverse, mais en la résumant trop succinctement au point de savoir si la LPM serait une loi spéciale qui prendrait le pas sur l'application de la LCD. Il a ensuite considéré que le titulaire d'une marque ne peut pas l'utiliser de manière déloyale, et cela même s'il ne bénéficie pas d'un droit de priorité au regard de la LPM. L'arrêt du Tribunal fédéral réserve cependant les circonstances du cas d'espèce. De l'avis du Prof. Cherpillod, cet arrêt prend position sur la question de principe, à savoir le conflit de priorité entre la LPM et la LCD, tout en laissant subsister une relative incertitude, puisqu'il réserve les circonstances de chaque cas.



* Avocat, chef de section, division des marques, IPI.

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